Compte rendu de course par Thibaut.
ETAPE 1: 85 Kilomètres. On part à 11h35 sous une température positive éprouvante pour les chiens. Pema et Louane en tête. L'idée est de partir tranquillement. Très vite, deux attelages, partis après nous, nous rattrapent. Je reste calme et les laisse nous passer au galop. Bientôt Edmond Schoemacher, qui m'a prêté une petite chienne, me rattrape et me passe, je reste dans son sillage car son rythme me convient bien. La piste est rapide nous passons de lacs gelés en marais. Nous gravissons la montée vers le plateau et je double plusieurs attelages. Les mushers du coin n'ont pas l'habitude d'aider beaucoup les chiens alors que je cours systématiquement dans les ascensions. Sur le plateau, le paysage est superbe mais la chaleur est toujours présente et les chiens tirent la langue. Je m'attache à conserver un rythme constant mais pas trop rapide. Je rejoins Edmond et le dépasse, nous ferons le même temps sur cette première étape. Je reprends plusieurs des mushers partis vite au départ tandis que certains autres me dépassent. Bientôt avec l'ombre, la température descend et les chiens tournent super bien en harmonie, je suis aux anges. Nous bouclons les 85 kilomètres en en 6h05. J'installe les chiens au checkpoint, ils mangent bien. Je les installe sur la paille, leur enfile les manteaux et placent de grande couvertures sur eux. lls peuvent prendre un bon repos bien mérité. Je ne suis pas certain de repartir avec Elim qui a un poignet douloureux. Cette petite chienne est en chaleur et Magnum qui courrait à côté d'elle a faillit craquer plusieurs fois pendant l'étape. Je dois l'attacher près du traîneau pour ne pas perturber les mâles de l'équipe. Pour en avoir le coeur net, je demande l'avis du chef vétérinaire qui confirme mes inquiétudes. Elim sort de l'attelage alors qu'elle a fait minutes une très bonne première étape. Après un bon repos de 6h27, les chiens repartent avec une grosse envie, tant mieux 100 kilomètres nous attendent.
ETAPE 2: 100 kilomètres départ à 00h07. Je me suis allongé une heure sans trouver le sommeil. Dès le début, Emil, un des jeunes chiens de l'attelage, m'inquiète il ne tire pas avec constance. C'est là que je commets une erreur. Au lieu de revenir au checkpoint pour le dropper, je continue et après 45 kilomètres, je dois le charger. Et tout se complique, car le poids dans le traîneau est doublé et Emil rechigne à rester dedans. Je dois m'arrêter pour réorganiser mon traîneau, sangler mon sac de couchage à l'extérieur du traîneau. Malgré le poids supplémentaire, les six chiens travaillent super bien et nous progressons régulièrement et les kilomètres défilent. Je réalise que Pema commence à avoir du mal à suivre le rythme. Mais comme nous naviguons régulièrerment sur d'étroit sentiers forestiers, je ne peux charger un deuxième chien. Et Emil qui a une grosse douleur à l'épaule, ne peut courir. Il a du se blesser sur la piste en se bloquant la patte dans les trous créés par les élans qui empruntent la piste damée. A ce moment, alors que nous n'avons pas encore parcouru la moitié de l'étape, que je l'ai pas dormi depuis 24heures, que le froid est vif, j'ai le moral à zéro et mon objectif est d'atteindre l'arrivée de l'étape ou j'arrêterai ma course. Oui mais voilà, les cinq chiens restant font un travail remarquable. Ils travaillent avec constance et volonté. Lorsque nous devons nous arrêter, Magnum, qui est en tête depuis le début de l'étape avec Louane, se retourne et se met à aboyer pour me dire de me dépêcher. Ce chien d'un an et demi est absolument incroyable. Et bientôt, je n'ai plus aucun doute, je vais dropper Emil et Pema au checkpoint mais nous irons au bout les 5 autres et moi. Ma confiance grandit tandis que Pema fait preuve d'une courage incroyable. Elle est en train de tout donner pour moi. Finalement, les pistes traversant les lacs gelés plus faciles me permettent de la charger enfin. Je suis pris d'une émotion intense réalisant la façon dont elle s'est battue pour moi aujourd'hui, se donnant sans retenue. Elle aura 9 ans l'hiver prochain et je décide à ce moment que sa carrière s'arrête là et la remercie de tout ce qu'elle a fait avec moi. Malgré le traîneau chargé de deux chiens, nous progressons toujours à bonne allure et les cinq guerriers ne faiblissent pas bien au contraire. Nous arrivons au terme de cette étape de 98 kilomètres et j'ai le moral gonflé à bloc. Pema est prise en charge par un vétérinaire à qui je demande de vérifier qu'elle va mieux. (Elle va bien !) Les chiens sont fatigués mais ils mangent tous bien et je me dépêche de les installer dans de bonnes conditions de récupération.
Après 5 heures de repos, je les rejoins pour leur redonner à manger et les hydrater. Là encore, ils mangent tous et boivent bien. Je les prends à tour de rôle en laisse pour vérifier qu'ils n'ont pas de boiteries. C'est là que les choses se compliquent, Magnum boîte de la patte arrière gauche. Je lui apporte des soins et croise les doigts. Une heure après, je suis de retour et les symptômes se sont à peine estompés. La mort dans l'âme, je n'ai pas d'autres choix que de scratcher. Je ne veux pas emmener ce chien épatant dans un run de 100 kilomètres avec une blessure. Ça ne serait pas honnête envers lui. Après 185 kilomètres en 24 heures, pendant lesquels il a été impeccable, je ne peux faire passer sa santé avant mon désir d'aller au bout de cette grande aventure.
Ce nouveau format avec des étapes très longues nous avait fait peur et pourtant j'y étais presque, ou plutôt nous y étions presque les chiens et moi. J'accuse le coup et je cache mes larmes dans la fourrure de Magnum et dans les bras de mon handler de père.
Romain et moi avons énormément appris au cours de cette course bien plus que nous ne l'avions imaginé. Nous reviendrons plus fort et nous irons au bout avec ces chiens incroyables qui nous partagent nos vies.
A nouveau, je voudrais vous remercier tous de votre soutien, dans les moments de doute, il nous a porté.
A très vite, pour de nouvelles de aventures !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire